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La scène se déroule dans un restaurant italien au Panier, quartier populaire de Marseille en voie de bobotisation . La salle du resto est bondée d’ habitués du quartier, l’ambiance musicale assure grave avec Ti amo et Ramazzotti… les clients , nous y compris, de bonnes têtes de sudistes.

A notre gauche, deux petites mamies déjeunent.

L’une semble sortir tout droit d’un film sur la french connection, portable à l’oreille ( elle se cache les yeux avec sa main gauche pour mieux entendre, si, si…), l’autre main posée bien à plat sur la table, le ventre en arrière n’a pas l’air de rigoler et apprécie moyennement qu’on l’appelle pendant son repas. L’autre, plus fluette, plus discrète, mange tranquillement, attendant que sa copine termine sa conversation.

Sur la table une boite de cachets, une fiolle d’alcool Gifrer, des antipastis et deux verres de blancs.

Tout autant amusées par la scène qu’attirées par le charisme de la vieille dame, nous observons régulièrement la scène.

Le serveur s’approche et lui lance un : » Ca va madame R…?

– » madame R…?  » s’interroge ma copine Sabine.

Devant mon étonnement elle demande confirmation au serveur. Chose faite, elle m’explique que cette dame est le personnage phare des sketschs de Patrick Bosso;  qui ayant vécu au Panier s’est largement inspiré de la vie des habitants du quartier.

Sabine ( d’une voix douce et enjouée ) : » Pardon, madame, vous êtes Madame R….?

R… : voui !? Pourquoi ? on se connait ?

Sabine : je vous ais vue dans les skestchs de Patrick Bosso !  »

Catastrophe ! La vieille dame fronce les yeux, des gens commence à regarder notre table et je crains un scandale en direct.

– qui c’est qui le connait Bosso?

terrifiée par l’idée du scandale public, vissée sur ma chaise , le sourire figée, je montre lâchement ma copine du doigt :  » c’est elle « .

– Bé qu’y reste où il est, ça se fait pas de donner le nom des gens, comme ça. Et puis son livre, lui y touche dessus, moi je touche rien et tout le quartier s’est foutu de moi.

Finalement grace à l’arrivée de mon dessert, la vieille  gourmande se radoucie et nous pouvons enfin détendre l’atmosphère en causant d’autres choses. Le temps d’un repas, même maladroitement, nous avons  recréé ce lien social qu’on nous dit disparaître et avons tous finalement bien ri.

Il reste désormais peu de ces figures pittoresques à Marseille, mordant la vie à plein dentier.